Donner du feedback semble être une action vraiment contraignante à poser pour plusieurs. Pourtant, critiquer nous vient si facilement. Il est vrai que d’entendre uniquement des éléments négatifs sur notre travail ou notre façon d’être est vraiment désagréable, voire rébarbatif. Dans cet article, je vous présente le feedback « triple A» que nous pratiquons chez Percolab, et qui se base sur l’Approche Enquête Appréciative et le feedforward. Je vous invite à cette pratique, outil appréciatif qui propulse la collaboration.
Il existe une littérature impressionnante sur le feedback, son utilité et la façon adéquate de le donner. Malheureusement, peu importe qu’on le fasse façon sandwich ou qu’on le qualifie de constructif, le feedback est trop souvent utilisé pour souligner des éléments mal faits ou nommer les effets négatifs d’un comportement. Ainsi, la personne concernée devient méfiante et sur la défensive, ayant pour effet de nuire à son efficacité et son développement.
Les gestionnaires que je coache trouvent très difficile de donner du feedback. Pourquoi? Ils l’utilisent pour discerner qui à tort de qui à raison. Cela n’est en aucun cas agréable ni utile pour l’une ou l’autre des parties. N’y a-t-il pas un forme de pouvoir malsain exprimé dans le plaisir de critiquer?
Les bénéfices du feedback appréciatif reposent sur le fait de susciter des émotions positives, autant chez la personne qui le donne que celle qui le reçoit, solidifiant ainsi la relation. Se sentir en sécurité pour changer et s’accomplir est un élément important de l’apprentissage. On apprend mieux dans un environnement sain où l’on vit des émotions positives. L’angle de la découverte est transformationnel. Le triple A, nous oblige à déconstruire la croyance que c’est en faisant des reproches et des blâmes que l’on aide la personne à s’améliorer. C’est plutôt en appréciant les bons éléments et les relevant que la personne sera portée à les reproduire et même les bonifier. La majorité pense à tort que le feedback consiste à dire aux autres ce qu’ils doivent changer pour répondre à leurs propres besoins ou certains standards. Il est plus pertinent et porteur de le voir comme une pratique pour s’améliorer.
Introduite par David Cooperider et Srivastva dans l’ouvrage Appreciative Inquiry Into Organizational Life, l’interview appréciative, ou feedforward, propose de réaliser toutes les étapes de l’approche enquête appréciative, soit : définir, découvrir, désirer, designer et déployer. Plus longue et rigoureuse, elle demeure la plus belle façon de construire la confiance en bâtissant sur les forces. Quant à lui, Goldsmith propose une version du feedforward qui se base sur la prémisse qu’on ne peut agir sur le passé, seulement sur les performances futures. Il présume que tout le monde peut changer pour le mieux, si on l’invite à s’améliorer. Puisqu’il ne s’agit que d’une suggestion d’amélioration, la personne qui le reçoit est libre d’accepter ou de refuser la proposition. Il n’y a pas de vision verticale ou de paradigmes de supériorité induits. Il s’agit de suggérer des éléments de changement positif.
Chez Percolab, nous pratiquons le feedback «triple A» dont les fondements sont le modèle de l’Appreciative Inquiry. Nous valorisons le travail de chacun en insistant sur la relation collaborative et donc le renforcement du lien de confiance entre les membres de notre équipe. Nous sommes très conscients que le fait d’être et de travailler ensemble est aussi une intention de nous supporter dans notre développement mutuel. On apprécie le travail réalisé (relatif au passé ou feedback) et ensemble on s’accompagne les uns et les autres pour un futur vitalisé (feedfoward).
J’ai été initiée à cette pratique par David Shaked, spécialiste de l’amélioration continue et de l’approche enquête appréciative, qui m’a coachée en Lean management basé sur les forces. Les auteurs, Lustig, Shaked et Tollec, l’appellent la Valuation du travail et le présentent dans leur récent livre: AI5 Comment déployer la pleine puissance de l’Appreciative Inquiry.
Le feedback « triple A » est une version plus courte du feedfoward et aussi vraiment puissant! Cette pratique est appréciative, favorise une relation saine et se veut un propulseur de la collaboration dans une équipe.
Trois étapes simples:
- Apprécier : nommer un ou plusieurs éléments que j’apprécie et pourquoi.
- Amplifier : nommer un ou plusieurs éléments que j’amplifierais- ils sont bons et il en faut plus.
- Ajuster : un ou plusieurs éléments que j’ajusterais- ils sont bons, mais un simple ajustement pourrait corriger ou être encore mieux pour le futur.
Le tout est fait dans un objectif d’amélioration et offre une ouverture positive sur le développement.
Par exemple, je demande à mon collègue de m’offrir un feedback «triple A » sur un document que j’ai produit. Il me mentionne qu’il apprécie le visuel et les photos que j’ai choisis, et il poursuit sur une portion théorique qu’il souhaiterait que j’amplifie pour rendre le document plus clair et termine en me suggérant d’ajuster quelques éléments de français pour que le tout soit plus précis. Mon document est amélioré et pour ma part j’ai des éléments bien précis qui constituent un constat de ce qui représentent autant mes forces que ce que je dois faire mieux dans le future et ce, en bonifiant mon lien avec mon collègue.
Le feedback «triple A» s’avère très efficace! Demander et recevoir un feedback qui nous permet d’enrichir un travail ou de nous développer devient agréable et donne le goût de le faire très souvent. Il permet de souligner les forces de la personne. Celle-ci conserve le plein pouvoir d’accepter ou non les suggestions.
Dans son livre Going Horizontal, Samantha Slade nous rappelle que demander du feedback est une excellente façon de se développer et d’apprendre. L’auteure nous invite aussi à prendre l’initiative personnelle de formuler une question précise qui incite au feedback(Slade, 2018). Une invitation à cesser de proposer pour les autres et de commencer par nous-mêmes.
Dans cette optique, pourquoi ne pourriez-vous pas inviter vos collègues à vous donner un feedback «triple A»? Voici une suggestion de formulation pour y arriver :
« J’aimerais que tu me donnes un feedback«triple A » sur ma présentation. Formule ton feedback en me mentionnant un élément que tu as apprécié, un élément que tu amplifierais et un élément à ajuster. »
Vous verrez que le feedback peut être bienveillant, générateur et nous permettre d’aller vers une version améliorée de nous-mêmes! Autant pour celui qui le donne que celui qui le reçoit. Si les mots créent la réalité, les bonnes pratiques la construisent.
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Bibliographie
Bell C., Goldsmith M. (2013). Managers as mentors: Building partnerships for learning. San Francisco, CA: Berrett & Koehler.
Lustig, C., Shaked,D., Tollec, B.(2019) AI5Comment déployer la pleine puissance de l’Appreciative Inquiry, Royaume Uni, AI5 Publishing. p.129.
Kluger, N. K., & Nir, D. (2010). The Feedforward interview. Human Resource Management Review, 20, 235-246. (https://wholebeinginstitute.com/wp-content/uploads/Kluger_The-Feedforward-Interview.pdf).
Slade, S(2018) Going Horizontal : Creating a Non-Hierarchical Organization, One Practice at a Time, CA : Berrett & Koehler.