En décembre et janvier dernier, j’ai eu l’opportunité de participer à un jeu collaboratif en ligne. C’est Samantha Slade, inspirante entrepreneure et autrice de ‘Going horizontal‘, qui m’y avait invitée. Je connaissais Samantha que j’avais croisée ces dernières années lors des chantiers de FabCity Montréal, et avec qui j’avais réalisé une entrevue dans le cadre de mes Entretiens FabCity. Elle abordait alors les pratiques sociales de vivre ensemble, l’importance de créer un espace pour réfléchir à nos dynamiques et notre façon de fonctionner dans le monde et l’importance de se donner le droit de les remettre en question. Samantha m’expliquait alors qu’un tel espace de réflexion, à la fois physique, mental et métaphorique, est un élément clef pour faire une transition socio-écologique. Avant de changer le monde, il faut savoir remettre en question les schèmes de pensées qui ont contribué à construire ce monde, et accepter de modifier notre façon d’écouter l’autre. Je ne le savais pas encore, mais elle me parlait déjà de son jeu L’écoute courageuse qu’elle a inventé avec Percolab Coop.
L’écoute courageuse peut se jouer en ligne à distance, disponible une fois par mois avec Percolab à l’animation ou la facilitation. Il est aussi possible d’y jouer en personne avec le jeu de cartes. À tour de rôle, les participants en petits groupes de 3 ou 4 personnes racontent une anecdote qui les met en scène en quelques minutes, avec un angle particulier, dicté par la carte pigée. À nous de livrer notre histoire sans artifices, de manière authentique – sinon pourquoi jouer-. Les autres participants écoutent en silence, avec leur carte pigée en main, sur laquelle se trouve une consigne simple de l’angle d’écoute: courage, bienveillance, espoir, etc. Ce mécanisme très accessible suffit à modifier la dynamique conversationnelle et notre façon de percevoir l’histoire de l’autre. Notre concentration à l’autre est totale car nous devrons ensuite lui offrir un reflet de son histoire à partir de notre posture d’écoute. Pas de jugement, pas de conseil – tout un défi dans notre société solutionniste!- , pas de droit de réplique. Toute conversation intérieure est alors réduite au silence, car nous ne sommes pas en train de chercher à résoudre les problèmes d’autrui, à faire la leçon, à juger. Les écoutants doivent à leur tour livrer un reflet à l’autre qui enrichit sa réflexion sur ce qu’il vient de nous partager. S’en trouve alors un sentiment d’être compris, écouté, validé. Mais aussi de riches pistes de réflexions qui vont bien au-delà du temps accordé au jeu. Car les échanges, par leur bienveillance, leur rythme posé, la place faite aux histoires de chacun, résonnent bien après l’heure de jeu.
J’ai participé à deux reprises aux rencontres mensuelles de Percolab. Je ne m’attendais pas à tirer autant de bénéfices d’une simple session de vidéoconférence avec des inconnus. Sans prétention, l’écoute courageuse est un jeu facile et accessible. Les cartes ‘je raconte’ et ‘j’écoute’, donnent le ton et la posture aux histoires à livrer, à notre façon d’écouter. Pour moi, et pour les participants de tous horizons ayant joué avec moi lors de ces deux sessions distinctes, le constat fut le même: un état de calme et de sérénité après chaque session de jeu. Comme si prendre le temps de s’arrêter pour écouter les autres communiquer leurs histoires, avec ce qu’il ressentent profondément, et s’ouvrir pour livrer leur émotions, leurs doutes et leurs fragilités, donnait immédiatement accès à une grande profondeur de réflexion.
Les participants y viennent d’horizons très variés (et des deux côtés de l’Atlantique), ce qui enrichit les rencontres et les points de vue. Du rire aux larmes, on peut passer par une gamme d’émotions variées, et entendre les histoires parfois touchantes que les uns et les autres acceptent de partager. Même avec des inconnus en face de soi, si on accepte de jouer le jeu et de s’ouvrir à l’autre – et de s’ouvrir d’abord à soi-même, on accède directement à une vérité universelle. Naturellement, on crée des liens entre les histoires dans un besoin très humain de partage et de connexion, en faisant appel à des mécanismes sociaux indispensables: le don sans attente et l’empathie. Avec l’écoute courageuse, nous devons apprendre à donner et à recevoir. La sagesse millénaire ne s’est pas inventée en un jour mais elle vient sans aucun doute d’une journée de grande écoute.
En participant à l’écoute courageuse, j’ai vécu une expérience surprenante et riche, alors que je n’avais aucune attente. Je peux facilement imaginer l’usage bénéfique dans des organisations, des entreprises, des milieux communautaires, des familles ou même entre amis. Ce jeu simple peut s’avérer un outil puissant pour amener de la perspective dans nos interactions sociales, et peut-être même modifier nos comportements.